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Stratégies de dépénalisation des petites infractions dans les régions

La rapporteuse spéciale de la CADHP sur les prisons, les conditions de détention et le maintien de l’ordre en Afrique, la commissaire Maria Teresa Manuela (troisième à droite), se joint aux représentants des INDH africaines lors du lancement du rapport d’évaluation de base de la NANHRIs : Enhancing the Role of NHRIs in the Decriminalisation of Petty Offences in Ghana le 3 octobre 2018 lors de la Conférence régionale sur la dépénalisation des infractions mineures en Afrique. À sa gauche, le commissaire adjoint de la CHRAJ, Richard Quayson, et la chargée de programme du NANHRI, Maureen Bwisa. À sa droite, M. Peter Mota (MHRC), M. Bouaké Meite (CNDHCI- Côte d’Ivoire) Mme Princess Kelebogile (SAHRC) et Mme Anne-Marie Okutoyi (KNCHR). Photo du Secrétariat : Secrétariat.

Le réseau des institutions nationales africaines des droits de l’homme (NANHRI) et d’autres partenaires de la campagne sur le continent ont tenu une conférence régionale de deux jours à Accra, au Ghana, pour discuter des stratégies de révision des lois criminalisant les délits mineurs en Afrique, afin de réduire l’engorgement des prisons et les violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes pauvres et vulnérables.

La réunion des 3 et 4 octobre 2018 a rassemblé cinq institutions nationales des droits de l’homme (INDH), la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et d’autres parties prenantes pour interroger le rôle de ces institutions indépendantes des droits de l’homme dans le conseil à l’État, au parlement et à d’autres organisations publiques dans la dépénalisation des infractions mineures, le suivi et la sensibilisation aux impacts négatifs de ces lois. Des organisations de la société civile étaient également présentes.

Cette conférence s’inscrit dans le cadre du projet pilote de deux ans sur la dépénalisation des petites infractions en Afrique, qui vise cinq INDH, à savoir la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya, la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative du Ghana, la Commission des droits de l’homme du Malawi, la Commission des droits de l’homme d’Afrique du Sud et la Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire. La Commission du Ghana accueillera la conférence.

Les infractions pénales et les codes pénaux de divers pays d’Afrique, voire du monde, classent le vagabondage, la désobéissance aux parents, la mendicité, les infractions mineures au code de la route, la prostitution, le vagabondage, le colportage, l’ivresse et le désordre ou la nuisance publique, entre autres, parmi les infractions mineures.

En cas de condamnation, les personnes accusées sont condamnées à une peine d’emprisonnement avec la possibilité de payer des amendes. La plupart du temps, l’incapacité à payer conduit à l’exécution de la peine.

Au Kenya, par exemple, un colporteur est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 200 Kes ou d’une peine de six mois en cas de condamnation. Pour un colporteur pauvre et vulnérable, l’amende ou la peine sont discriminatoires en raison de son statut et violent ses droits économiques, sociaux et culturels.

Bien que le Kenya et l’Afrique du Sud aient abrogé les lois criminalisant le vagabondage, nous soutenons nos INDH dans la dépénalisation de toutes les infractions mineures par le biais de la campagne « La pauvreté n’est pas un crime ».

L’inscription dans la loi de peines alternatives telles que l’avertissement, le travail d’intérêt général, la grâce, la surveillance électronique, entre autres, permettrait de désengorger les prisons, qui ont déjà plus de trois fois leur capacité d’accueil.

Selon les statistiques du Centre international pour les prisons, environ 119 établissements au Kenya avaient un taux d’occupation de 220,7 % en août 2016. Au Malawi, qui comptait 30 prisons en 2016, le taux d’occupation était de 211,4 %. La Côte d’Ivoire, qui comptait 40 centres pénitentiaires en 2017, affichait un taux d’occupation de 196,9 %. Le Ghana comptait 43 prisons en mars 2015. Le taux d’occupation était de 146,5 %. L’Afrique du Sud avait un taux d’occupation de 136 % dans ses 243 prisons en mars 2017.

Une autre étude, The Criminal Justice Report, indique que 28 768 chefs d’accusation poursuivis dans 15 tribunaux kenyans au cours de l’année 2013-2014 étaient des infractions mineures. Les infractions graves étaient au nombre de 18 058. Si, dans ce cas, les infractions mineures donnent lieu à des condamnations et à l’incapacité de payer les amendes, l’exécution des peines engorgera davantage les prisons.

En tant qu’organe de coordination des INDH en Afrique, notre objectif est de veiller à ce que les délits mineurs ne donnent pas lieu à des peines d’emprisonnement. Cela donnerait aux systèmes judiciaires et de sécurité plus de temps pour traiter l’arriéré de crimes graves, qui sont retardés par coïncidence.

Notre travail est soutenu par les Principes sur la décriminalisation des petites infractions en Afrique, qui ont été adoptés par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en novembre 2017. Ces principes préconisent la décriminalisation des petites infractions et l’administration de peines alternatives non privatives de liberté ou d’amendes, considérées comme discriminatoires et contraires à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Les résultats de cette phase pilote du projet, qui a duré huit mois, permettront d’étendre le projet à d’autres INDH dans d’autres pays du continent.

La phase pilote de la NANHRI a bénéficié d’un financement généreux de l’Open Society Foundations, ce qui nous a permis de travailler en étroite collaboration avec 12 organisations de la société civile en Afrique sur la campagne « La pauvreté n’est pas un crime ».

Le mot-clé de cette campagne est #DecriminalisePettyOffencesNow.